Pourquoi fait-on des cauchemars ?
Quelles sont les causes des cauchemars ?
Troubles du sommeil - 13 minutes de lecture
Une « terreur nocturne », voici qui aurait pu faire un titre percutant pour un film de série b, autrement dit un film destiné à faire peur ou à angoisser. Malgré notre goût prononcé pour le 7e art, nous allons ici nous focaliser sur les terreurs nocturnes en tant que parasomnie et, une fois n’est pas coutume, ce trouble du sommeil concerne presque exclusivement les enfants de moins de 18 ans. Comme les films d’horreur, eux aussi interdits au moins de 18 ans ? C’est un peu cela, en effet, à ceci près que les enfants ne visent pas un Oscar pour leur performance !
Plus sérieusement, les terreurs nocturnes, dans leurs manifestations, peuvent se révéler être une scène angoissante, parfois effrayante, et l’impuissance des parents face à cette scène est d’autant plus frustrante. Que connaît-on vraiment des terreurs nocturnes ? Si on sait qu’elles peuvent être spectaculaires, sont-elles pour autant dangereuses ? Y a-t-il une différence entre cauchemars et terreurs nocturnes ? Voilà bien des questions que l’entourage des personnes souffrant de ce spectaculaire et particulier trouble du sommeil doivent se poser, et à juste titre. Pas de panique, laissez-vous guider par notre réalisateur sommeil en chef pour vous permettre de mieux comprendre les terreurs nocturnes, et ainsi mieux les gérer si vous y êtes un jour confrontés !
Il s’agit d’un trouble du sommeil classé dans les parasomnies du sommeil lent profond (évènements indésirables, comportements anormaux survenant durant le sommeil) et qui survient le plus souvent chez l’enfant, entre 3 et 6 ans. Cependant, une part minime d’adultes, de l’ordre de 2.2%1 , peut se trouver confronter à ce phénomène. Les origines des terreurs nocturnes chez les adultes pourraient différer de celles des enfants. Un trouble neurologique2, par exemple, pourrait être une des causes à l’origine de cette parasomnie chez l’adulte, même si cette théorie demande davantage d’approfondissements.
Les terreurs nocturnes se produisent au cours des 3 premières heures de sommeil. Elles correspondent en fait à un problème de transition entre la phase de sommeil profond et la phase de sommeil paradoxal (rêves, cauchemars). Il faut savoir qu’au cours de cette phase de sommeil lent profond, les terreurs nocturnes peuvent s’accompagner d’une autre parasomnie du même type, le somnambulisme. La prévalence de cette « association » n’est pas encore clairement établie, mais une étude récente3 s’est penchée sur le sujet. Affaire à suivre !
Au cours d’une terreur nocturne, l’enfant s’agite en manifestant des éléments caractéristiques de la peur tels que des cris, de la sueur ou encore une respiration haletante. Si ce phénomène spectaculaire peut être traumatisant pour les parents ou pour toute personne qui y assiste, les enfants, eux, n’en gardent aucun souvenir, et c’est là que les terreurs nocturnes diffèrent des cauchemars. On peut se rappeler d’un beau rêve ou d’un désagréable cauchemar, mais on ne se souvient pas avoir été victime d’une terreur nocturne, ce qui est plutôt une bonne chose, vous en conviendrez !
La terreur nocturne est donc synonyme de début de nuit difficile et agitée, mais la personne qui en souffre n’en a pas conscience et est toujours endormie, même si ses yeux sont ouverts. Cette perturbation du cycle de sommeil s’arrête d’elle-même et dure généralement de 2 à 20 minutes au maximum, juste le temps d’une petite scène quelque peu agitée.
Comme évoqué précédemment, les terreurs nocturnes touchent essentiellement les jeunes enfants. Si les chiffres peuvent diverger quelque peu en fonction des tranches d’âge, on peut néanmoins estimer que 5 % des enfants sont sujets à des terreurs nocturnes4.
Une étude récente évalue, elle, la prévalence de la terreur nocturne « entre 1 et 6.5%5 » chez les enfants de 1 à 12 ans. Si les chiffres peuvent varier en fonction des études sur la prévalence générale, elles sont en revanche majoritairement d’accord sur le fait que le « pic » d’activité des terreurs nocturnes s’opère entre 4 et 7 ans, et que ce phénomène concerne près de 40% des enfants de moins de 6 ans6.
On peut donc constater, au regard de ces chiffres, que les terreurs nocturnes interviennent essentiellement entre 4 et 7 ans, pour ensuite fortement diminuer à partir de 12 ans, une fois les cycles de sommeil bien installés. Toutefois, comme nous avons pu l'évoquer précédemment, une toute petite minorité d’adultes, un peu plus de 2 %, peut avoir à faire face à ce phénomène au cours de sa vie. Après tout, il faut bien un peu de solidarité parentale dans ce domaine aussi !
Tout d’abord, il convient de bien différencier cauchemars et terreurs nocturnes. Voici un petit rappel des principales caractéristiques du cauchemar :
En ce qui concerne les terreurs nocturnes, leur apparition en début de nuit résulte d’une transition « ratée » entre le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Bien qu’elles se rapprochent du somnambulisme et des cauchemars, eux aussi considérés comme des parasomnies, les terreurs nocturnes ont leurs propres causes.
En effet, de nombreuses études ont pu mettre en lumière un ensemble de causes probables aux terreurs nocturnes. D’après des organismes spécialisés dans l’étude du sommeil, comme « Sleep Foundation7 » , et en référence à une étude récente8, on peut considérer que les principales causes de terreurs nocturnes sont les suivantes :
Si, pour les plus jeunes enfants, le manque de sommeil reste la principale cause des terreurs nocturnes, il est possible de prendre également en considération le stress (ou tout évènement traumatisant) lorsque ces perturbations perdurent au-delà de l’âge de 6 ans. En effet, à cet âge, on estime que les cycles de sommeil sont bien en place, que l’horloge biologique (« rythme circadien ») devrait être réglée.
En outre, certaines études font état d’un facteur génétique favorisant la prédisposition aux terreurs nocturnes (de même que pour le somnambulisme). L’une d’entre elles9 rapporte que 96 % des personnes sujettes aux terreurs nocturnes ont un membre de leur famille qui a déjà fait face à l’une ou l’autre de ces parasomnies (ce chiffre est de 80 % pour le somnambulisme). Autrement dit, un petit sondage familial peut s’avérer très utile afin de se préparer à l’éventualité de nuits agitées et de scènes spectaculaires avec votre enfant !
Vous vous demandez comment faire pour reconnaitre une terreur nocturne ? Pour cette parasomnie, les symptômes sont assez aisément identifiables et sont tout à fait caractéristiques du phénomène. Comme le dit l’expression consacrée, « vous savez à qui vous avez affaire » lorsque ce trouble du sommeil se manifeste. Voici donc les symptômes d’une terreur nocturne :
Vous l’aurez compris, les manifestations d’une terreur nocturne peuvent angoisser, voire choquer les « spectateurs ». La première phase est assez brutale : l’enfant se redresse, s’assoit, ses yeux s’ouvrent, et là, on assiste à une réelle scène de pleurs et de peurs, accompagnées de cris. S’en suit une agitation spectaculaire, le tout au rythme haletant d’une respiration effrénée, l’enfant se débat avec beaucoup de vigueur. À bout de souffle, cet épisode s’arrête net, parfois au terme de quelques minutes, sans que l’enfant ne se souvienne de rien. La nuit de sommeil se poursuit alors, l’enfant se rendort, même si il n’était pas réveillé, car inconscient, et il repart aux pays des rêves.
Si le privilège du souvenir de la scène revient au parent, l’enfant, lui, ne souffre d’aucune séquelle et ne garde aucune trace de cette terreur nocturne dans sa mémoire, et c’est bien là le principal !
Il s’agit ici d’un diagnostic différentiel, c’est-à-dire qu’on cherche à éliminer d’autres parasomnies ou pathologies pouvant provoquer les mêmes symptômes.
Ainsi, caractériser et diagnostiquer une terreur nocturne est somme toute assez simple. En effet, seuls les cauchemars et les hallucinations hypnagogiques (en rapport avec la paralysie du sommeil) provoquent un ensemble de symptômes similaires. Comme le souligne le docteur Marie-Josèphe Challamel10, pédiatre au « Centre du Sommeil de Lyon » et chargée de recherches à « l’INSERM », « dans les 2 cas, l’enfant est tout à fait conscient et réveillé », ce qui permet de différencier les terreurs nocturnes d’avec les cauchemars (qui, de plus, interviennent plus tard dans le cycle du sommeil), mais aussi des hallucinations hypnagogiques. Le diagnostic différentiel avec d’autres pathologies telles que le somnambulisme, la narcolepsie ou autre peut être effectué par une consultation médicale, grâce notamment à la polysomnographie ou un examen dans un centre du sommeil.
Là aussi, en ce qui concerne le traitement, il est assez facile à identifier étant donné… qu’il n’en existe pas ! Plus exactement, les médecins s’accordent à dire que les terreurs nocturnes ne sont pas anormales, elles correspondent à une forme de maturation des cycles du sommeil. De ce fait, le traitement correspond en fait davantage en un accompagnement lors de la manifestation de ce trouble, en veillant à sécuriser l’environnement (meubles ou objets), surtout afin d’éviter une éventuelle blessure au cours de l’agitation et des excès de mouvements incontrôlés. Les tentatives pour rassurer l’enfant sont, hélas, vaines et inutiles, ce dernier n’étant pas dans un état conscient.
Toutefois, et même si cela pourrait aider les parents à traverser cette crise en se sentant plus utiles, il est préférable de ne pas intervenir (par la parole ou par les actes), au risque de prolonger la crise ou d’amplifier les mouvements défensifs de l’enfant. Il faut garder en tête qu’une terreur nocturne est, dans le fond, parfaitement normale au stade de l’enfance !
Si il n’y a pas de traitement type pour les terreurs nocturnes, on peut néanmoins limiter les facteurs aggravants connus. Ce faisant, il est possible de suivre ces quelques recommandations :
Le recours aux médicaments est très généralement proscrit pour traiter les terreurs nocturnes, les effets secondaires, surtout sur les enfants, pouvant être dangereux. Cependant, dans de rares cas et pour une très courte durée, il arrive de prescrire des « benzodiazépines » afin de soulager des crises aiguës et très fréquentes, lesquelles peuvent être trop éprouvantes sur le long terme.
Pour les adultes continuant de souffrir de terreurs nocturnes, des traitements, de courtes durées également, peuvent être envisagés :
Les terreurs nocturnes sont aussi éprouvantes pour les parents « spectateurs » qu’elles ne sont pas dangereuses pour les enfants, à condition de veiller à un environnement sans risque et à surveiller les gestes d’agitation afin de prévenir les petits bobos. Le film de la vie se déroule parfois avec des surprises spectaculairement agitées et bruyantes, apportant ainsi le piment nécessaire à l’appréciation de son dénouement. Les terreurs nocturnes font donc parfois partie du scénario, participant à la mise en place de l’horloge interne et du rythme circadien chez nos adorés bambins. Nous devons composer avec ce facétieux trouble du sommeil… le temps de quelques épisodes !
Afin de compléter et d'illustrer le propos de cet article, voici une petite vidéo bonus, rien que pour vous :
une explication à propos des parasomnies, par Joëlle Adrien, neurobiologiste et directrice de recherches à l’INSERM
Sources :
[1] Les parasomnies du sommeil lent profond, Dr N. Limousin, site « Collège des enseignants de neurologie », 2020 [2] Night Terrors, « StatPearls », juillet 2020 [3] Sleepwlaking and Sleep terrors, site « Harvard Health Publishing », février 2020 [4] Le somnambulisme, les cauchemars et les terreurs nocturnes chez les enfants, site « Fondation Sommeil », 2020 [5], [8] et [12] Sleep terrors : an updated review, Alexander K C Leung 1, Amy A M Leung et al, « Current Pediatric Reviews », octobre 2019 [6] Les différents types de troubles du sommeil chez l'enfant, site « Ameli.fr », avril 2020 [7] Night Terrors : when to talk with a doctor, site « Sleep Fundation », juillet 2020 [9] Hereditary factors in sleepwalking and night terrors, A. Kales, C. R. Soldatos et al, « The British Journal of Psychiatry », août 1980 [10] Les parasomnies de l'enfant, Dr Marie Josèphe Challamel, site « Université Lyon 1 », 2020 [11] Night Terrors, Ngoc L. Van Horn, Megan Street, « StatPearls », juillet 2020 [13] An evolutionary perspective on night terrors, Sean D Boyden, Martha Pott et al, « Evolution, Medicine and Public Health », avril 2018Quelles sont les causes des cauchemars ?
La paralysie du sommeil demeure une parasomnie assez méconnue